Le président zimbabwéen Robert Mugabe, le 11 février 2009 à Harare © AFP Alexander Joe |
Plus de la moitié de la population dépend de l'aide alimentaire pour survivre. Ce qui n'empêche pas le plus âgé des chefs d'Etat d'Afrique de célébrer son anniversaire dans une débauche de nourriture, avec une semaine de décalage, le 28 février, dans la ville de Chinhoyi.
Ses partisans ont levé 110.000 dollars américains de dons, selon le quotidien d'Etat The Herald. 80 vaches, 70 chèvres et 12 porcs vont être abattus pour le banquet.
Après avoir remporté l'élection qui a mis fin à la suprématie blanche en 1980, quelques semaines après l'indépendance de l'ex-Rhodésie du sud britannique, ce marxiste avait séduit l'Occident par sa modération vis-à-vis des anciens colons et ses politiques couronnées de succès en matière d'éducation ou de santé.
Pendant dix ans, porté par une économie performante, le Zimbabwe a incarné une des rares réussites de l'ère post-coloniale. L'espérance de vie passait de 56 à 64 ans (contre 36 aujourd'hui) et le pays se flattait des plus bas taux d'analphabétisme du continent.
Mais de premiers échecs ont transformé petit à petit l'ancien enseignant en autocrate paranoïaque, qui vit retranché dans une villa très colonialiste d'un quartier chic de la capitale.
"Le héros adulé s'est transformé en dirigeant égocentrique qui a encouragé le culte de sa personnalité", juge Takavafira Zhou, de l'Université de Masvingo. "S'il s'était retiré à la fin des années 1980, il serait resté dans l'Histoire comme l'un des très grands fils de l'Afrique."
Cet intellectuel collectionne sept diplômes universitaires, dont un master en droit obtenu en prison. Son engagement contre le régime ségrégationniste, dans les années 1960, lui valut en effet de passer dix années en détention.
Chef de la lutte armée depuis le Mozambique, il joua ensuite un rôle clé dans la négociation des accords d'indépendance de Lancaster House.
Mais ce qu'il perçoit comme la trahison du gouvernement travailliste britannique sur le rachat des terrains agricoles, puis sa défaite à un référendum en 2000, fait basculer Robert Mugabe. La violence qu'il laisse ensuite se déchaîner contre les fermiers blancs l'isole définitivement.
La production chute, passée aux mains de proches du régime. L'inflation grimpe sans relâche, jusqu'à atteindre aujourd'hui des niveaux qui dépassent l'entendement.
Parallèlement, le train de vie du chef de l'Etat "a pris des allures ostentatoires qui n'existaient pas pendant ses vingt premières années à la tête du pays", note Eldred Masunungure, de l'Université de Harare.
Même si, selon le politologue, "cela n'a rien de comparable avec l'extravagance" de certains dictateurs, le fils du président, dans sa très confortable école privée, ne connaît pas les déboires d'une éducation publique réduite à néant par la faillite de l'Etat.
Et Grace, la deuxième épouse de Robert Mugabe, de 40 ans sa cadette, s'est gagné le surnom de "Première dame des boutiques" lors de voyages à l'étranger consacrés au shopping.
Un photographe l'a récemment accusée de l'avoir frappé lors d'une de ces escapades à Hong-Kong, où elle rendait visite à sa fille, étudiante à l'université. Selon l'hebdomadaire sud-africain Sunday Times, les Mugabe y ont acquis une propriété de 5,8 millions de dollars.