Le SUD OUEST
Omar Bongo, le président gabonais, utilise tous les moyens de droit à sa disposition pour tenter d'échapper au paiement des sommes mises à sa charge par la justice française.
Mardi prochain, son avocat, Me François Meyer, demandera au juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris de prononcer la mainlevée de la saisie de 1,131 million d'euros dont il fait l'objet. C'est la première fois en France qu'un chef d'État en exercice voit ses fonds personnels gelés de la sorte. (Lire « Sud Ouest » du 26 février dernier).
Comptes bien garnis
Depuis le 13 février, plusieurs des comptes bancaires qu'il détient à la BNP Paribas et au Crédit lyonnais à Paris sont bloqués, en vertu d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Bordeaux. Douze ans après les faits, Omar Bongo a été condamné par les magistrats girondins à restituer la rançon versée par le fils de René Cardona pour obtenir la libération de son père. À la suite d'un différend avec le président gabonais, cet industriel aujourd'hui retiré dans l'Hérault avait été écroué en 1996 pendant quelques semaines à la prison de Libreville, où sévissait alors une épidémie mortelle de fièvre Ebola.
À l'abri du besoin depuis bien longtemps, Omar Bongo dispose sur ses comptes parisiens largement de quoi payer René Cardona. Au moment où ils ont été saisis, 4,2 millions d'euros y étaient déposés. Malgré tout, le président gabonais continue à faire de la résistance et à évoquer l'existence d'un contentieux commercial avec René Cardona.
À ses dires, l'argent déboursé par l'industriel correspondait à un dédommagement pour lui avoir cédé un bateau en mauvais état. Une thèse que les avocats du président ont déjà soutenue mais en pure perte devant la justice française. En 1995, René Cardona, alors propriétaire de pêcheries, avait vendu ses installations et sa flottille à une société dont Omar Bongo, son épouse et deux de ses enfants mineurs étaient actionnaires. Mal gérée, l'affaire n'avait pas tardé à péricliter. Sollicité pour la reprendre, René Cardona avait décliné la proposition. Mal lui en avait pris.
Aucune valeur juridique
Visé par une plainte pour escroquerie, il avait été arrêté et sans même pouvoir s'expliquer immédiatement embastillé par un juge d'instruction, parent d'Omar Bongo.
À l'appui de sa requête devant le juge de l'exécution, le président gabonais argue toujours du même jugement de condamnation rendu par le tribunal de Libreville à l'encontre de René Cardona.
La cour d'appel de Bordeaux a pourtant estimé que cette décision avait été rendue dans des conditions qui la privent de la moindre valeur juridique. Cela n'empêche pas le président gabonais decontinue r à s'en prévaloir.
S'il a remis la somme réclamée entre les mains de son avocat, Omar Bongo demande au juge de l'exécution de prononcer sa mise sous séquestre sur le compte professionnel de son défenseur. De façon à constituer une garantie au cas où, dans un proche avenir, René Cardona serait dans l'incapacité d'acquitter sa dette pour lui avoir vendu un navire décati !
Gagner du temps
Une argumentation que l'ancien industriel et son conseil Me Jean-Philippe Le Bail jugent totalement abusive et dilatoire. À l'évidence, Omar Bongo, dépité d'avoir été pris au piège, cherche à gagner du temps. En cas de rejet de son recours, il envisage, semble-t-il, de saisir à nouveau le juge de l'exécution pour contester cette fois-ci la régularité des saisies. René Cardona, qui attend depuis près de treize ans son dû, n'est sans doute pas au bout de ses peines.
Auteur : Dominique richard
d.richard@sudouest.com