«Je suis de l’opposition républicaine, loin des extrêmes»
Un mois après la première convention de son parti, le P.r.l (Parti républicain et libéral), du 29 janvier au 1er février 2009, à Brazzaville, Nicéphore Fylla Saint-Eudes a accepté de répondre à quelques unes de nos questions sur la vie politique nationale, particulièrement après la tenue des états généraux de l’opposition, et sa candidature à l’élection présidentielle. Le président du P.r.l, qui n’a pas pris part à ces états généraux, se définit comme étant de «l’opposition républicaine». Interview.
Nicéphore Fylla Saint-Eudes. |
* Monsieur le président, quelles sont les principales conclusions de la première convention nationale du P.r.l?
**Lors de cette convention dont vous parlez, le P.r.l a exercé son droit d’inventaire sur la gestion du pays depuis 1997. Il refuse d’assumer un héritage dont le passif est trop lourd. C’est pour cela qu’il a conclu à la caducité de ses alliances antérieures et adopté les principaux axes de son projet de société dont:
- la reforme en profondeur de l’Etat;
- la satisfaction de la demande sociale, qui doit être une priorité de l’action politique, par l’amélioration de l’éducation, la santé, l’emploi, le pouvoir d’achat, la sécurité et la protection sociale;
- l’élaboration et la mise en place d’un pacte de solidarité nationale.
Enfin, last but not least, le P.r.l a recommandé la candidature de son président à la prochaine élection présidentielle.
* Trois semaines après votre convention, les états généraux de l’opposition se sont tenus à Brazzaville, du 20 au 22 février 2009. Le P.r.l était absent. Doit-on conclure que vous n’êtes pas de l’opposition?
** Au P.r.l, nous nous félicitons de la tenue de ces états généraux qui ont créé et mis en place un Front des partis politiques de l’opposition congolaise (F.u.p.c). Le P.r.l y était absent, mais partage les quatorze exigences formulées dans le cahier des charges adopté par le F.u.p.c.
Le P.r.l est un parti de l’opposition républicaine, c’est-à-dire, nous faisons une opposition sur la base d’un programme alternatif. Entre des socio-démocrates au pouvoir et d’autres dans l’opposition, il y a, à notre avis, une place pour une autre ligne politique. Nous incarnons, justement, cette autre ligne politique en tant que parti social-libéral, sur la base d’un programme alternatif à ceux qui ont été appliqués depuis 1992.
En effet «n’incarnant plus la volonté consciente et réfléchie du pays. L’Etat a progressivement perdu le fondement de son autorité ; il n’exprime plus la volonté générale ni l’intérêt général. Il n’est plus qu’un enjeu dont les factions essaient de s’emparer pour en tirer quelques avantages». Au surplus, et en citant Mendès France, nous mettons l’éthique au cœur de notre action politique. Vous comprendrez, aisément, pourquoi le P.r.l ne fait pas partie de groupement de l’actuelle opposition. Au demeurant, être de l’opposition n’implique pas, nécessairement, de faire partie d’une plateforme politique. Nous refusons de personnaliser le débat. La cristallisation du débat politique sur un individu a, en général, des effets contreproductifs, même si on peut affirmer que Denis Sassou Nguesso incarne le système fait de clientélisme, de népotisme, de concussion et d’affairisme. Et, il n’est pas le seul. Certains acteurs de ce système se muent, au-jourd’hui, en opposants pour mieux s’emparer de l’Etat et à quelle fin? C’est cette question qui est au centre de notre action politique.
La prise du pouvoir n’a de sens, en effet, que si, politiquement, elle vise à changer le système et non simplement les hommes, par la voie démocratique. Voilà, en quoi notre action est singulière, dans un univers marqué par la violence verbale, voire la violence tout court, et une certaine forme d’inquisition. Notre opposition est républicaine, loin des extrêmes.
* Dans son mot de clôture, le présidium des états généraux de l’opposition a déclaré: «Le président de la République doit savoir que sans concertation avec l’opposition, aujourd’hui rassemblée et réunie (…) au sujet de l’organisation, dans la transparence, de l’élection présidentielle, eh bien, il prend, seul, la lourde responsabilité, devant vous et devant le monde entier, de tout dérapage dommageable à la cohésion nationale». Que vous suggère cette déclaration?
**Pris au pied de la lettre, cette déclaration a des allures de casus belli. Je voudrais juste dire que lorsqu’on aime ou l’on dit aimer un peuple, on ne l’amène pas à l’abattoir. Le président Sassou Nguesso nous a déjà montré qu’il n’avait pas d’égal dans la gestion de la violence. De plus, la violence peut constituer un frein au processus démocratique. Dans la presse, récemment, au sujet des états généraux de l’opposition, quelqu’un dénonçait «un vaste complot ourdi contre la République et la démocratie». Il ne pensait pas si bien dire, quand on connaît l’histoire récente de notre pays. Mais, à qui profiterait la violence? Au président Sassou Nguesso, à l’évidence, et sans nous tromper; le 5 juin 1997 et le 18 décembre 1998 en sont l’illustration ultime.
C’est pourquoi nous faisons nôtre, l’exhortation du général Ngouelondélé lorsqu’il s’adresse aux jeunes du P.a.d, son parti: «N’acceptez plus les armes qui vous sont proposées par les hommes politiques, pour tuer vos concitoyens… Lorsqu’un homme politique vous donne une arme pour défendre sa cause, il ne vous aide pas…». Nous sommes persuadés, au P.r.l, qu’il existe des moyens politiques pacifiques, mais contraignantes et efficaces, pour amener Denis Sassou Nguesso à la concertation.
* Finalement, êtes-vous candidat?
** Dans ses conclusions, la première convention nationale du Parti républicain et libéral avait exigé ma candidature à l’élection de juillet prochain. J’avais posé des préalables à cette exigence du parti, à savoir:
- faire le tour des fédérations, pour apprécier le niveau d’adhésion des populations au programme du parti;
- apprécier la capacité du parti à lever des fonds;
- juger notre capacité à fédérer les forces politiques novatrices qui aspirent au vrai changement.
Conformément à mon allocution de clôture de la convention du parti, je ferais ma déclaration de candidature éventuelle depuis Etoumbi…
*Justement, au sujet d’Etoumbi et plus généralement de la Cuvette-Ouest, un Forum pour le développement socio-économique vient de se tenir à Ewo. Que pensez-vous de cette initiative?
**Nous nous félicitons, au P.r.l, de la tenue de cet événement et du regain, soudain, d’intérêt pour la Cuvette-Ouest, ce qui nous conforte dans nos convictions sur l’état d’abandon de ce département par l’Etat. Est-il sérieux et responsable, qu’après cinquante ans d’indépendance, que l’on soit encore amené à faire des recommandations du genre: désenclavement de la Cuvette-Ouest; relance de l’économie locale; production de l’électricité en milieu rural; réhabilitation et équipement des structures sanitaires…? Nous pouvons ajouter, dans cette litanie, l’eau potable.
Nous devons arrêter avec ces incantations électoralistes. La Cuvette-Ouest et l’ensemble du Congo, où il existe d’autres Etoumbi en marge de la République et du développement, ont, globalement, besoin d’un vrai changement. Néanmoins, le forum d’Etoumbi, et c’est là son unique intérêt, a servi de révélateur et conduira, il faut l’espérer, à un forum économique et social, espace citoyen de réflexion pour l’élaboration et la mise en place d’un pacte de solidarité nationale que nous appelons de tous nos vœux. Pour y contribuer, c’est d’abord un pacte de confiance et de changement que le P.r.l, par ma voix, ira proposer à l’ensemble de la nation, depuis Etoumbi. Il y a, encore, tant de choses à faire dans ce pays…