Assis derrière son bureau encombré de dossiers, le docteur Franck Fortuné Mboussou, du Conseil national de lutte contre le sida (CNLS) au Congo, ne cache pas sa satisfaction : l’opération nationale de collecte de fonds lancée en janvier pour financer l’achat d’une unité mobile de dépistage du VIH a été un succès.
« Nous avons obtenu exactement 113 346 500 francs CFA [près de 218 000 dollars] », a dit à IRIN/PlusNews M. Mboussou, conseiller technique principal du CNLS. « Ce montant couvre largement le prix d’achat et de fonctionnement d’une unité mobile de dépistage pour la ville de Brazzaville [capitale du Congo]. C’était notre objectif initial ».
« En réalité, le prix du véhicule est de 75 millions de francs CFA (144 000 dollars], donc avec la différence, nous allons acheter une unité mobile supplémentaire pour Pointe-Noire [la capitale économique] », a-t-il ajouté, précisant que le montant manquant pour l’achat de ce deuxième véhicule serait financé via des « mécanismes classiques ».
La collecte de fonds, surnommée ‘Téléthon’ a été organisée entre janvier et mi-février. Pour y participer, les populations pouvaient envoyer un SMS - message texte - avec le mot « sida » à l’un des trois réseaux privés de téléphonie mobile du Congo, ou verser leur contribution par chèque ou virement bancaire sur un compte spécialement ouvert pour cette opération par le CNLS.
Le tarif du SMS s’élevait à 300 francs CFA (0,60 dollar), et 250 francs CFA étaient reversés au CNLS. Trois millions de francs CFA (près de 5 800 dollars) ont été récoltés de cette manière, tandis que les 110 millions d’autres ont été versés sur le compte bancaire.
Le Congo bénéficie du soutien de la communauté internationale pour lutter contre le VIH/SIDA, qui touche 4,2 pour cent de la population. Selon M. Mboussou, jusqu’à maintenant, le pays n’a pas connu de difficultés particulières à mobiliser des fonds, et bien que les acteurs de la lutte contre l’épidémie admettent que le risque que la crise financière internationale puisse modifier la donne ne peut être écarté, le but principal de cet appel à contribution, le premier du genre au Congo, était cependant ailleurs.
« L'objectif était de donner l'opportunité aux populations de s'approprier leur santé, en se montrant disposées à lutter contre cette maladie [le VIH] », a expliqué M. Mboussou.
Des populations mobilisées
Toutes les couches de la société ont été sollicitées : entreprises, publiques et privées, responsables du gouvernement, organisations nationales et internationales, y compris des agences des Nations Unies, mais aussi les populations congolaises.
« Nous avons été surpris par l’engouement exprimé par les populations », a dit M. Mboussou. « Elles ont été associées à l’opération pour qu’elles soient fières de dire, le jour où le véhicule sera là, qu’elles ont aussi apporté leur appui et que c’est leur propriété ».
Malgré les difficultés financières qu’ils rencontrent, dans un pays où plus de la moitié d’entre eux vivent avec moins d’un dollar par jour, de nombreux Congolais ont dit comprendre l’intérêt de contribuer.
« Payer 300 francs pour un SMS peut paraître inutile. Mais, c’est un acte important parce qu’il s’agit de prévenir un désastre, le sida qui ne choisit pas ses victimes », a dit à IRIN/PlusNews, Moké Miguel, une diplômée sans emploi, qui a participé à l’opération.
Le CNLS a déjà passé une commande en France pour l’unité mobile de Brazzaville. « Le [véhicule] sera là mi-avril. Il sera mis en service dès son arrivée », a dit M. Mboussou.
Brazzaville et Pointe-Noire, les deux principales agglomérations du Congo, affichent des taux de prévalence du VIH d’environ cinq pour cent, selon la dernière enquête de prévalence menée fin 2003 avec l’appui de la Banque mondiale. Les deux cités abritent plus de la moitié de la population du pays, estimée à 3,6 millions d’habitants.
Le Congo a également adressé une requête à la Banque mondiale pour financer l’achat de six autres unités mobiles, qui seront déployées dans les grandes villes du sud et du nord du pays.
Le succès des unités mobiles
« L’achat du matériel moderne de dépistage mobile a été motivé par l’expérience du centre de dépistage volontaire mobile ‘artisanal’, mis en place en 2008 avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la population », a expliqué la secrétaire exécutive du CNLS, le docteur Marie-Francke Puruehnce.
Ouenzé, un bouillonnant quartier de la zone nord de Brazzaville, a bénéficié d’une de ces séances spéciales de dépistage mobile ‘artisanal’, organisée sous une tente, lors d’une kermesse. « Cette expérience avait permis de dépister [jusqu’à] 150 personnes par jour, soit les résultats de deux à trois mois d’activités de certains centres fixes », a rappelé Mme Puruehnce.
Equipée d’un laboratoire, l’unité mobile sera déployée dans des endroits très fréquentés, comme les écoles, établissements religieux, lieux de travail et marchés.
Outre sa facilité d’accès, l’avantage des unités mobiles est d’offrir une plus grande flexibilité horaire, a expliqué M. Mboussou. « Dans les centres fixes, les heures de dépistage coïncident avec les heures de travail dans l’administration. Or, l’unité mobile doit fonctionner même les jours non ouvrables, les week-ends. C’est une unité de relais ».
Il a souligné que la personne testée attendrait ses résultats pendant une heure et serait orientée vers un centre de prise en charge au cas où ses résultats seraient positifs.
Selon l’Enquête démographique de santé de 2005, à peine plus de 10 pour cent des femmes et 12 pour cent hommes ont déjà effectué un test de dépistage du VIH dans le pays.
Selon la dernière enquête officielle réalisée fin 2003, 110.000 personnes vivent avec le virus au Congo, et 95 pour cent ont été infectés par voie sexuelle. Depuis 2008, le traitement antirétroviral, les examens biologiques et le dépistage du VIH y sont gratuits.
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